mercredi 14 juin 2017

La transformation



              Il marchait la tête baissée en regardant ses pieds. Il allait arriver dans la salle d’attente où il se mettrait loin des autres, sans parler. Est-ce que le médecin allait le voir ? Est-ce qu’il n’allait pas l’oublier dans son coin ?
            Dans sa tête un enchainement de questions, toutes négatives, lui faisaient battre les tempes : Et qu’allait-il dire ? dirait-il ce qu’il fallait ? Regretterait-il, après, de s’être mal exprimé ? Et, pendant des jours, mâchonnerait-il, ce qu’il aurait dû  dire ? Il avait l’impression que tous ses muscles se contractaient, qu’il avait subitement mal au dos. La porte s’ouvrit et il se jeta à l’eau avec le regard d’un naufragé.
              Cette scène se produisait chaque fois qu’il avait rendez-vous, qu’il devait parler en société, à son travail, même en famille.
             Bien sûr il n’avait pas vraiment d’amis ; Il disait bonjour dans la rue mais ne s’éternisait pas en discours. Il ne voyait pas ce que dire aux autres et savait, qu’après l’échange, il dissèquerait tous les mots pour voir s’il avait dit ce qu’il fallait.

            Un jour, après avoir beaucoup hésité, il prit la décision de s’inscrire dans un club de sport où il passa pour un sauvage, toujours dans son coin.
             Mais, petit à petit, en début et en fin de séance, il arriva à parler, à exprimer des idées. Il fut reconnu quand il arrivait, appelé par son prénom. Il devint plus sociable et un changement progressif s’opéra dans sa vie.
            Il parlait plus volontiers dans la rue, chez les commerçants. Il marchait même plus droit, s’efforçant de redresser les épaules.
          Il prenait du recul, ne décortiquait plus les paroles entendues et prononcées.
           Il devenait, un peu, celui qu’il aurait aimé être. Peut-être s’aimait-il  enfin !
                                                                                               par Josy



Le village transformé

 Les  rideaux  ont bougé  derrière les persiennes fermées,
Quelqu’un dans l’ombre s’est caché pour espionner
L’inconnu qui dans la rue passait.
D’autres étrangers plus tard sont arrivés
Venant de loin comme de prés.
Leurs maisons neuves ont métamorphosé les quartiers.
Le village somnolant s’est alors réveillé.
Les enfants ont investi les rues abandonnées.
L’école, à classe unique, s’est développée.
Un médecin s’est installé.
Les transports collectifs plus souvent sont passés.
La ville s’est rapprochée avec tout ce qu’elle offrait
Comme travail, distractions, attrait.
D’un monde qui mourait à petit feu a émergé
Une société plus ouverte, plus modernisée.
Tout c’est transformé.




par Josy                                                  

jeudi 8 juin 2017

la mémoire racontée



Le banc de granit

Au cœur des vieilles pierres qui bordent le littoral quand le ciel normand devient bleu tendre, je m'assieds, dès que je le peux, sur ce gros bloc de granit rose et j'écoute …

Là, tout près,la mer me raconte aujourd'hui: les enfants poussant des cris sur la plage ;
Les mouettes rieuses se moquant des vacanciers ou piquant vers les bateaux ramenant
leurs poissons !
Je ne l'écoute pas. J'entends la vieille pierre qui a tant à dire et sur laquelle tant de fondements de la société se sont posés.

Très jeune, un jour,je m'y suis reposée près d'un pêcheur tenant sa nasse à peine sortie de l'eau où s'accrochaient crabes et homards.
Je lui fis compliment de sa pêche mais il ne me répondit qu'après avoir sorti du piège un petit « crabe vert » plein d'oeufs qu'il relâcha dans une mare.
« Pourquoi ? 
-Pour que ceux qui, plus tard, viendront s'asseoir sur cette pierre puissent encore déguster des crabes comme mon grand-père le fit autrefois, comme le fit Guillaume
avant de s'embarquer vers l'Angleterre comme le firent les gabelous et, comme le fit...
ce c... il s'arrêta par correction .
- « Regarde-là »
Une petite croix gammée s'incrustait au coin de la pierre.

Depuis, chaque fois que je passe par là je me fais un devoir de poser mes fesses sur ce symbole qui a laissé tant de mauvais souvenirs dans cette région !
Symbole, qui, malheureusement, s'use moins vite que mes pantalons !

                                                                                                                 Sylvie V.