On le disait chamane,
on le disait sorcier, tous en parlaient, personne ne le connaissait…Qui
était-il ? Qu’était-il ? Pourquoi ces regards suspicieux portés sur
lui ? C’était un étrange étranger…On ne lui parlait pas, il n’était pas d’ici,
il n’était du pays, il n’était pas de l’île !
Dans une grande salle
lumineuse, les rayons du soleil traçant au travers des persiennes entrouvertes
de longs traits poudreux et scintillants, assis face à une feuille blanche, il
médite…Le calme, la sérénité, la douceur d’une matinée à peine entamée l’entourent.
Il trempe délicatement son pinceau dans l’encre couleur de nuit, respire
longuement et profondément avant de prendre la décision que des siècles plus
tard les anciens commenteront encore.
D’un geste lent et harmonieux ils trace
des lignes qui se croisent et virevoltent sur le papier épais. Les traits sont
vigoureux et précis, sous sa main et son regard des arbres naissent et étendent
leurs ramures, se couvrent de feuilles et…Une hésitation surgit dans le geste…Il
voudrait tellement les émerveiller, qu’ils sachent son pouvoir de bienveillance
pour que chaque année le miracle se reproduise. Un autre pinceau fin comme un
cil est trempé dans un blanc teinté de pourpre et par milliers naissent des
fleurs.
L’homme les yeux
fermés comme en prière murmure lèvres mi-closes :
« Que ces arbres
dessinés deviennent réels, que chaque printemps pour le bonheur de tous ils
fleurissent »
Depuis des siècles
chaque printemps le miracle se produit et la coutume veut que les japonais aillent
admirer en famille les cerisiers en fleur.
Anne.