mercredi 10 mai 2017

Récits de voyage

 Le voyage est attente d'un nouveau départ


Attendre, toujours attendre, savoir attendre, le neuf, l'immaculé,
le maculé...
Partir à la rencontre de l'Autre qui s'en est allé puis revenu un jour, une heure...
Voyager dans l'attente, se faire du souci ou du mauvais sang, pleurer un peu, rire beaucoup, trépigner longtemps...
Non, elle n'est pas là, elle est en voyage dans mon cœur, sur l'île de Pâques..
Voyager dans l'instant présent, s'y vautrer, paresser... extrapoler...
Penser avenir, reculer sur le passé banni, se propulser, se mettre sur orbite dans une autre planète... voler, tourbillonner, dépasser les frontières...
Voyager, prendre soin des paysages gourmands, voyager au cœur de l'automne effleuré par deux doigts de tendresse...
Attendre un nouveau départ, être à l'heure  pour l'avion...


                                                                                                  par Elisabeth

Un récit de voyage

Le feuilleton de ma vie, celui qui est mien... a transité par les voyages et transite encore et encore par eux, les nomades du désert, les caravaniers du rêve créateur, les pilotes aux paupières éblouies par les étoiles...
Je pensais avoir classé, voire oublié les images des pays traversés: Guatemala, Pérou, Bolivie, Brésil, Panama ...
Je pensais... je pensais que je ne pensais plus à eux, à elles...
à ces indiennes accroupies au bas de leur métier à tisser, se riant de nos regards éblouis par la symphonie des tissus colorés, intenses...
Je pensais que je ne pensais plus à ces visages de vieilles descendantes des Incas  ravinées de sillons, de rides, aux nattes d'ébène épaisses de deux doigts.

Dans leurs veines coule depuis la nuit des temps le fleuve de l'Ouroubamba du Machupichu qui les irrigue à jamais.
.Ivres d'altitude, ivres de sommets immenses, ivres de misère et dépouillés de tout... leurs visages demeurent immuables à jamais... descendants du rêve Créateur, ils en assurent la transmission pour toujours.
Revoir l'Altiplano, la Cordillère des Andes nimbée de neige...
Revoir les volcans  mauves au pied des lacs verts et bleutés...
Il y a trop de vivance dans ces souvenirs-là pour les laisser croupir dans les photos que je ne retrouve plus.
Même si le souvenir est un poète, je veux en revivre l'histoire...
Leur histoire, mon histoire humaine...
Mais, pour l'instant, je ne le sais pas encore... puisque je vais partir ce printemps en Amérique Latine, au  Chili ... J'ai pris mon billet d'avion... j'ai rendez vous, je suis préssée 

Ne voyez-vous pas se profiler ce voyage de ma Vie qui a pour nom Harmonie…

                                                                   par
Elisabeth


 


lundi 1 mai 2017

La lavandière


 L’angélus sonnait aux Matelles ; la frêle Sophie se pendait à la corde de la cloche au risque d’être emportée dans son élan. A la même  heure, sa petite-fille, ma mère, se levait et se préparait pour aller à l’école. Elle vivait, avec sa grand-mère, dans une petite maison obscure au cœur du vieux village : une cuisine et une chambre, froides et sans confort.
Sophie , native de Lozère et analphabète, répétait tous les jours qu’il fallait bien travailler en classe, racontait son enfance, son travail très jeune dans une auberge, le mariage arrangé par son père sur un marché avec un aveyronnais qu’elle n’avait jamais vu et qu’elle avait suivi dès la noce finie.
Elle avait eu dix enfants, avait travaillé toute sa vie et, maintenant, âgée, elle sonnait les cloches de l’église et lavait le linge des riches familles.
Tandis que l’eau, tirée du puits communal et montée du bas du village dans de lourdes cruches, chauffait dans le chaudron de la cheminée, sur la terrasse au dessus du porche elle s’activait et remplissait un cuvier : une couche de linge supportant une température assez élevée, une couche de cendres, une couche de linge, une couche de cendres… Pour finir, elle vidait, avec une vieille casserole, l’eau bouillante du chaudron dans le cuvier. L’eau crasseuse s’échappait alors par un trou façonné comme une bouche ouverte et allait se tortiller dans la rigole la plus proche. Elle renouvelait l’opération plusieurs fois pour éclaircir l’eau au maximum.
Son employeur du moment affrétait  un matin suivant, de préférence ensoleillé, une charrette pour la conduire à la source du Lez où elle frottait énergiquement tout le linge, de diverses textures, le rinçait avant de l’étendre sur l’herbe  ou quelque buisson sans épines pour le séchage. Elle retrouvait d’autres lavandières d’ici et là avec qui elle partageait un moment de vie sociale. Le soir les charrettes revenues les chercher avec leurs cochers, se chargeaient d’immenses corbeilles de linge propre embaumant la garrigue.
Quand Sophie lavait le linge de l’instituteur ma mère, étant ce jour là dispensée d’école, se joignait à la journée de la source du Lez, ce qui représentait une fête pour elle.
Aujourd’hui le cuvier, installé dans mon jardin et redécoré, veille sur les plantes que je fais croitre en son sein avec amour.
 
Maison de Sophie


                                                                                                                    par  Josy