jeudi 14 février 2019

Le conditionnement



Suis-je un lion ? Un agneau ?
A la naissance joli agneau
Dans un monde ouaté, feutré,
Entouré d’autres jolis agneaux.

A l’adolescence, joli agneau
A suivi le troupeau.
Mais la laine est tombée
Et la personnalité s’est affirmée.

Me suis imaginé petit lion
Avec des envies de liberté
Trop sûr de moi, en vérité,
Mais les parents veillaient. Réalité.
                                                               Eliette



Coup de cœur !


En vacances dans l’Ariège, sous une chaleur écrasante, nous décidons de faire une sortie qui nous permettrait de nous rafraîchir quelques heures. Après une visite à l’Office du Tourisme local, nous partons visiter la Grotte de Niaux.
A l’arrivée, le guide présent nous accueille et tend une torche à chacun de nous. Le petit groupe s’engage dans une galerie noire, pas très rassurant cela, seules des petites lumières au sol guident nos pas.
Après un trajet qui m’apparaît très long, le guide nous dit : « allumez les torches droit devant vous ! ». Brusquement, sous mes yeux ébahis, comme surgis de la nuit, des chevaux grandeur nature apparaissent. Mon cœur cogne fort, j’ai l’impression que la horde très près de moi va m’emporter. 
Instants magiques, émotion indescriptible, admiration du travail de nos ancêtres. S’enfoncer si loin dans ces ténèbres pour dessiner…
J’ai visité de nombreuses grottes mais celle-ci m’a profondément marquée.
                                                                                                               Eliette



lundi 4 février 2019

La charbonnière



                            Des rochers à perte de vue, une mer de rochers et, dans un coin, un bosquet de chênes verts, « blaca » en patois. La charbonnière est là. Le père brûle une meule pour récolter le charbon de bois. Il est né dans une cabane de pierres sèches et ses ancêtres avant lui. Ce coin de garrigue est toute sa vie. Les enfants courent, il y en a un qui s’est noyé l’an passé dans le ruisseau en furie lors d’un orage dévastateur ; Le dernier n’est pas encore déclaré à la mairie du village ; pas le temps de s’y rendre. Il faut bien travailler pour nourrir la famille.
Vers le soir il ira ramasser les pièges pour voir si quelque lapin de garenne pourra améliorer l’ordinaire.
Cette charbonnière c’est tout ce qui compte et il a l’impression que, petit à petit ce genre de vie va disparaître ; Les enfants, même nés dans ces bois, partiront. Ils n’ont pas envie de vivre comme lui ; ils feront le même travail mais habiterons le village. C’est certainement sa génération qui sera la dernière à naître et mourir dans les bois. Plus tard les petits enfants parleront des charbonniers comme de travailleurs rétrogrades et cela le fait souffrir.

Josy




La table est l’entremetteuse de l’amitié


Un bout de jambon, un verre de vin,
Un quignon de pain,
Tout est sur la table en bois.
Un homme, seul, mange lentement.
La porte s’ouvre.
Un enfant affamé regarde de tous côtés.

Voyant la table, il se précipite,
La main ouverte pour chaparder.
Holà Bonhomme ! As-tu faim ?
Plutôt que de voler
Assieds-toi près de moi
Et partage ton histoire,
En échange tu pourras manger.
L’enfant regarde l’homme
Et commence à parler, la bouche pleine.
Après avoir avalé, il dévide son écheveau.
Il raconte sa vie d’enfant des champs,
Sa maison, le maigre troupeau de ses parents.
Le voyageur se laisse bercer par la voix enfantine
Qui se glisse dans ses pensées.
Et si l’enfant et lui devenaient amis,
Pour partager un instant de leurs vies.

Josy

vendredi 1 février 2019

ÉMOTION, émotion….




J’ai dix ans.
Mon frère est parti de la maison, faire son service militaire, très loin de chez nous.
Je suis redevenue la petite fille, unique, gâtée, choyée de mes parents.
Pourtant je sens comme un malaise, les attitudes ont changées, les conversations s’arrêtent quand j’entre dans une pièce, des conciliabules où je ne comprends rien s’intensifient de jours en jours.
Ce matin, là, mes parents après m’avoir redit que j’étais maintenant une grande fille, me demandent de rester à la maison, de surveiller que le feu de la cuisinière ne s’éteigne pas, me confient la maison car ils doivent aller faire une course imprévue à quelques kilomètres de notre cité de mineurs.
Mes yeux se remplissent de larmes lorsque la voiture démarre, me laissant désemparée, abandonnée.
Je dois savoir, je ne peux accepter de les voir s’éloigner sans aucune explication.
Je décide, sur un coup de tête de les suivre en vélo. La chance me sourit, le passage à niveau est fermé. Un gros arbre me servira d’abri, et dès la barrière levée, je pourrais les suivre pour savoir enfin où ils vont. La route nationale me fait un peu peur, mais à cette époque, la circulation est relativement fluide. Quelques véhicules à moteur ou à cheval me permettent de les suivre à distance sans être vue. Ils s’arrêtent enfin. Devant le plus gros magasin de quincaillerie du village, où ils rentrent bras dessus, bras dessous. J’appuie mon vélo contre le trottoir et j’attends patiemment. Ils ressortent avec chacun tenant par une anse une sorte de cuvier ovale en plastique vert douteux. Ils ouvrent le coffre de la voiture, et là surprise, incrédulité, ils me voient. Je comprends qu’ils sont très en colère, leur démarche vers moi est assurée, saccadée, menaçante. Je craque, je pleure, j’implore, je crie à l’abandon. Ma mère s’avance alors vers moi, me prend dans ses bras, m’avoue que ces achats sont pour le futur bébé, me demande de lui pardonner de ne pas avoir su trouver les mots pour me confier ce secret, pour me parler.
Ce bébé, je l’aime déjà, même si une ombre de jalousie traverse mon esprit.
Le vélo sera coincé dans le coffre de la voiture, et c’est à trois que nous retrouverons le chemin de notre maison, le feu est éteint, les ampoules sont restées allumées, n’importe qui aurait pu rentrer. Qu’importe….
Daniel, sera le prénom que mes parents m’ont demandé de choisir.