jeudi 14 mars 2019

Dire l’amitié



                              Elles marchaient toutes les deux sur le même chemin de l’école, une école en bordure de la ville, en pleine campagne. Il fallait longer la voie-ferrée et passer près d’un bosquet avant d’apercevoir le bâtiment tout rond.                                                                                                                  
                            Elles chuchotaient des histoires à dormir debout. Elles imaginaient leurs vies futures, leurs maris, leurs enfants. Elles s’interrogeaient justement sur le « comment on fait des bébés ? ». C’était un mystère dont on ne parlait pas dans les familles. Elles voyaient bien les ventres grossir mais ignoraient la façon dont cela pouvait arriver. Alors elles inventaient, disaient que c’était dû à un médicament. Elles avaient aussi entendu parler d’une graine.
                             En devisant elles approchaient de leur classe où, bien sûr, elles étaient sur le même banc tant qu’on ne les séparait pas pour cause de bavardage. Puis, dès que la cloche sonnait la sortie, elles s’évaporaient sur le chemin du retour. Elles s’arrêtaient pour jouer avec une sauterelle ou ramasser quelque plante avec laquelle on faisait des boucles d’oreilles.
                            Et elles murmuraient toujours des secrets, de grands secrets qu’il faudrait, bien sûr, garder pour soi. Car, en amitié, le secret est très important ; il fait et défait les rapprochements enfantins.
                           Il y en avait une qui s’arrêtait avant l’autre, sa maison étant plus proche et les conciliabules continuaient devant le portail jusqu’à ce que l’heure les rappelle à l’ordre. Alors elles se séparaient à regret en se disant : «  à demain » pour un autre cheminement animé de paroles et parfois de fâcheries.
                                                                                                            Josy




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